Panier

Votre panier est vide
Visiter la boutique

L’homme qui vit très seul (je prétends que je vivais très seul, les contradicteurs sont des aveugles) a parfois un besoin insensé de la multitude humaine. Je passais ce désir violent grâce aux musiques absurdes et au public flottant des boîtes de nuit. Ces temples de l’instabilité où s’usait doucement ma vie m’étaient devenus nécessaires comme un stupéfiant. J’aimais à voir s’y faire et défaire de précaires destins. Au seuil de toutes les aventures. Là où joue le hasard. Là, et ailleurs. Parfois je me jetais dans une de ces intrigues qui se formaient devant moi. J’ai toujours eu plutôt le goût du romanesque que celui des romans. Montmartre me servait très bien sous ce rapport. C’est pourquoi pendant des années je n’ai guère quitté Montmartre.

Louis Aragon