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Konstantin Somov

La chaleur est si blanche aujourd’hui, si lourde qu’elle m’affole.
Je regarde Atys qui somnole, oublieux, par la fenêtre ouverte du jardin. Dix-sept ans, un moteur de Rafale piégé dans un bourgeon d’aupébine. Son corps déjà massif, encore tendre, lacté. Mais sa bouche pleine, dédaigneuse, fruit à crocs de lait, promise aux triomphes. Le soleil décline, alors, peut-être une nouvelle inclinaison de la lumière, il ouvre les yeux, aperçoit mon regard braqué sur lui.

Pris de court, perturbé, lui que personne ne contemple encore, le petit frère que tous ignorent, embarrassé par la grande force nouvelle, impériale, de son corps, comme par un vêtement neuf dont il ne sait encore que faire- je le lui ferai savoir très bientôt – la chair encore douce de sa solitude et de son ennui qui espère l’irruption de la vie, de la morsure, des grands vents. Il passe mille fois la main dans ses cheveux, replace mille fois une mèche imaginaire, à la fois intimidé et certain- oui, mon regard l’a élu – la fragilité du cadet mêlée à l’orgueil de l’homme qu’une femme réclame. Mon regard a modifié son corps, sa chair devenue royale, divine, il gigote un peu sur son lit, malaisé, aux abois, flatté. Il jette ses yeux dans les miens sans faillir, adoubé. Mais en se levant, il pose son pied blessé sur le sol et grimace de douleur. Il boite, sa claudication inflige à sa démarche un grotesque contre lequel il ne peut rien, tout prince soit-il, lui qui aurait voulu marcher droit sous mon regard, mieux, s’envoler comme un condor, mais il traîne la patte, serre les dents de rage, redevenu un enfant, jetant furieusement sa chemise autour de ses hanches, drapé à l’antique, et je vois son dos qui s’éloigne, humilié.

Georgina Tacou