Panier

Votre panier est vide
Visiter la boutique

rothko pink

 Un tableau de Mark Rothko

Mon premier choc a été celui de naître. Le second, celui de découvrir l’existence de la mort. Parlons ici de chocs qui durent, d’arrêts sur image. L’amour n’est peut-être qu’une surprise, une collision périssable. Le troisième survint lorsqu’entrant dans une pièce au MoMa de New York, je me retrouvais face à une immense toile de  Marc Rothko. Vissée au sol, souffle scindé, un coup de pagaie dans l’estomac. J’avais toujours été sourde et j’entendais soudain de la musique. Je n’avais été qu’os et de la chair poussait sur moi. La grande main d’une joie terrible m’a saisie par la nuque et secouée comme un chaton aveugle. Une joie sans raison, une joie furieuse et imbécile. Je ne voyais pas la toile, je l’entendais. Et cette ritournelle : Color that speaks, color that speaks. J’étais demeurée, dans tous les sens du terme, plantée là comme un clou qui n’a plus de raison d’être ailleurs qu’à l’endroit où l’a enfoncé un coup de marteau. La couleur de ce jour-là perdure dans mes veines, comme celle du premier cri, comme celle du dernier. Quelques années plus tard, j’ai lu une phrase dans « L’arrêt de mort » de Blanchot. Le narrateur est au chevet de son amie mourante. Elle divague. Soudain, elle se dresse sur son lit et semble suivre quelque chose des yeux en hauteur dans la pièce, et prononce ces mots étranges :   »Rose par excellence. »
J’ai repensé au tableau de Rothko.

Un texte de Georgina Tacou