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Photographies de Giasco Bertoli

Ma peau fusionne avec ta croix. Je suis  portée au feu des surfaces, au point d’ébullition, glacial,  reflet du chaos auroral inscrit sur mon iris. Ouverte sur l’espace, mes voiles crépitent sous les flux d’air, mon derme incompris se fond dans la rosée. Mes yeux se teintent de vide,  mon corps est plein de ses creux. La profondeur n’est que pure chimère : je est jusqu’aux plans de tangence entre mon corps, taillé dans les ombres solaires, et les branches de la croix qui l’épousent, en émanent, en émergent. Des courbes, des droites, des géodésiques, rien que des purs chemins, dépourvus de points d’attache, n’ayant pour amarre que mon propre spectre, communié avec le matin.

Seules les croix se déforment à l’image de mes aires, de mes plis.  Seules les croix gravent des domaines dermiques, des gradients, des champs, ainsi que des irruptions, volant en éclats sur la pointe du soleil, sur la pointe de mes seins : je fleuris hors de ma chair, j’ascende le jour, je flotte, suspendant mon corps, ultime pieu foudroyant la terre, au pied de la croix. Par-delà gravité, s’ancre ma chair.

Dans mon exil interne, des phosphènes éclosent sous mes paupières, se déploient des esquisses informes de nuages pesants, enracinés dans le néant : voici mon ventre, socle marbré, croix où éclate ta passion, fêlure dans ta croix…

J’ai brûlé ma barque dès l’aube. Je gis. Flamboie le sable sous mon dos, brûlant, éternel brasier écarlate. Sur place, j’avance vers toi, dans tes champs, aveugle, en attente du zénith blême, à l’affût de l’envers de Dieu, Substance immanente à la lumière, estompée entre mes jambes. Mes bras débordent les seuils organiques, mes seins scintillent… en silence ; sous ma peau, le ciel ; sous ma peau, la mer… Mon corps gît dans tes liens aux portails du réculsoir.

Indiscernable à l’encens volatil que diffuse le matin, indiscernable aux essaims de corneilles funéraires, je prends mon essor sur la croix ; mon corps estcroix : je palpite, je vacille à l’aube de notre fusion. Je est je; ma peau est un diptyque.

Un texte de Mohamed Ben Mustapha