Après avoir vu et entendu Ingrid Caven lors du premier des deux récitals qu’elle donna à la Cité de la musique il y a six ans, Bertrand Bonello mit tout en œuvre pour filmer le second soir. Le film s’appelle Ingrid Caven, Musique et voix. Avant cette projection inédite à l’hôtel Scribe, Ingrid l’éponyme nous lit un extrait du livre de Jean-Jacques Schuhl : son arrivée dans ce même hôtel quelques années plus tôt comme égérie de Yves Saint-Laurent, il y est question de casseroles, de fleurs, d’escaliers… Applaudissements.
Le film commence. De noir vêtue, Comme des garçons, Ingrid Caven alterne Kurt Weil, Schönberg, des textes de Fassbinder, de Schuhl sur la musique de Peer Raben et tant d’autres. C’est une interprète inouïe, à la sauvagerie sophistiquée, elle ensorcelle, ça va vite, les morceaux sans lien s’enchaînent. De l’avant-garde au cabaret, paroles chantées, hurlées, chuchotées, actrice dadaïste et femme fatale à la fois, présence pure à la chevelure fauve vénitien, Ingrid Caven s’amuse, elle joue, évacue la mascarade en la déstructurant. Elle invente, s’offre tous les écarts. Rock’n roll. Son répertoire le lui permet.
Bertrand Bonello capte avec grâce son sujet, la scène qu’il filme est un lieu indompté, magique et son film nous enchante.
John Jefferson Selve