Une oeuvre de Matisse, choisie par Jean-Paul Civeyrac
Une oeuvre de Hans Bellmer
Il serait peut-être doux d’être alternativement victime et bourreau.
Baudelaire, Mon coeur mis à nu
Un ukiyo-e de Katsushika Hokuzaï
Un film de Robert Bresson
Bien sûr, effectivement, Bresson commence souvent les scènes en filmant des boutons de porte et des ceintures, décapitant les personnes, mais n’est-ce pas pour économiser, pour retarder, pour faire attendre, pour préserver, pour faire désirer et finalement pour montrer le visage au moment où il devient important, au moment où ce beau visage, j’insiste encore sur la beauté, où ce beau visage intelligent parle avec douceur, gravité, comme si la personne se parlait à elle-même. Très clairement, il s’agit pour Bresson, comme pour Monsieur Teste, de tuer la marionnette et de montrer la personne à son meilleur, à son plus vrai moment d’émotion et d’expression contenues.
François Truffaut
C’est pas tout l’amour. Les femmes c’est pas tout non plus. Un écrivain ça doit conserver son énergie. On est arrivés en ville et je lui ai dit où j’habitais. « Bunker Hill? » Elle trouvait ça très drôle. « Ça te va comme un gant, comme endroit. »
John Fante
Extrait offert par Hubert S.
A présent elle dit bonjour à son monde… vous devriez regarder, elle est si exquise à observer. Lorsqu’elle sourit et parle comme en ce moment, elle a une fossette dans la joue, mais pas toujours, seulement quand elle le veut bien. Oui, c’est une enfant gâtée, c’est pourquoi elle est si nonchalante. On est obligé d’aimer de tels gens, bon gré mal gré ; car lorsqu’ils vous mettent en colère par leur laisser-aller, la colère même est un motif de plus de leur être attaché, c’est un tel bonheur de se mettre en colère, et d’être contraint d’aimer quand même…
Thomas Mann, La montagne magique
Il y a des gratte-ciels, des voitures mais la verdure n’est pas absente. La lumière varie selon l’humeur, la saison. Il y a des femmes qui se réveillent ou se dénudent ; des foules pour se fondre. Quelques lieux solitaires aussi : piscine abandonnée et terrain de tennis où se jouent des parties imaginaires. C’est le New York d’Edwarda photographié par Giasco Bertoli, en librairie fin avril.
Dominique Ristori
Un film d’Eric Rohmer
Nomi Rapace dans Dead man down
Le film repose sur les épaules rondes de Béatrice. Contrairement à celle de Dante, elle n’a en rien l’apparence d’un ange. Affublée de faux-ongles et de tenues vulgaires, perchant sur des talons trop hauts, le personnage tient davantage de la vamp ; sans compter les cicatrices qui lui ravagent la moitié gauche du visage et une oreille cassée. Sa moralité apparaît tout aussi douteuse et on ne sait pas avec notre héroïne à quel profil se fier – l’amoureuse laisse souvent place à la manipulatrice dans un même plan-séquence. Cela lui vaut d’être tourmentée par les petits démons du square en bas de chez elle, qui la surnomment Monster.
Les Enfers ne sont pourtant plus ce qu’ils étaient : des lucioles voltigent entre les tombes, le chant des oiseaux recouvre le tapage des rats. Autant dire qu’il est possible d’espérer désormais des allègements de peine. Béatrice y croise Victor, un demi-damné comme elle. Ils se sourient car tous deux sont consumés par la vengeance – il a dans sa ligne de mire les diables qui lui ont enlevé femme et enfant, elle garde au rétroviseur le souvenir de ce chauffard qui l’a défigurée. Pourtant la somme de leurs haines s’annule tandis que l’un donne à l’autre envie de revoir les étoiles.
Après un carnage digne de la fin des temps, le film s’achève sur un baiser, dans une rame de métro aérien. Béatrice est enfin au Paradis et plus rien ne l’empêchera de porter sa robe blanche, tachée de sang quelques scènes plus tôt. N’existe-t-il pas des pressings qui lavent même les péchés ?
Dominique Ristori
Alors qu’autrefois, n’éprouvant que de la sensualité, je faisais semblant pour plaire à la femme, d’être amoureux, maintenant, n’éprouvant que de l’amour, je feignais la sensualité pour plaire à Sonia.
M. Aguéev