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Alors elle commença de parler avec une volubilité extrême, comme elle faisait chaque fois qu’un mot jeté au hasard réveillait au fond d’elle-même ce désir élémentaire, non pas la joie ou le tourment de cette petite âme obscure, mais cette âme même. Et dans la vibration de ce corps frêle et déjà flétri sous son éclatant linceul de chair, dans le rythme inconscient des mains ouvertes et fermées, dans l’élan retenu des épaules et des hanches infatigables, respirait quelque chose de la majesté des bêtes.

Georges Bernanos

Depuis près de deux ans, Edwarda se propose de dilater sur papier le temps du désir. Sensible à la lenteur, aux après, aux avants surtout. Jouissant de la réitération, celle de monter trois fois les escaliers qui mènent à la chambre ; de la suspension qui fait que l’on attend sur le seuil en se posant des interdits même flottants, que l’on retarde le moment de tourner la clé dans la serrure. Car le trouble se trouve à la frontière. À d’autres supports, un autre temps. Je veux consacrer ce blog au « tremblement », et à l’« heureuse transition » que procure l’instant où le désir se précipite, à la faveur de quelques phrases, d’une image, d’un simple détail surgi du quotidien. Une ouverture également. Ce blog est l’occasion pour Edwarda d’élargir sa vie intérieure à un plus grand nombre de propositions, sombres ou lumineuses, photographiées ou peintes, en poème ou en prose, pourvu qu’elles soient excitantes. De la revue au blog, la tentative reste la même : réunir dans nos pages celles et ceux qui  désirent désirer. John Jefferson Selve, Dominique Ristori et moi-même serons très heureux de recevoir vos suggestions afin que chacun de nous soit chaque jour plus touché par elle.

Sam Guelimi

For over two years, on paper, Edwarda has been expanding the pace of desire. Susceptible to indolence, the after – and especially – the before. Rejoicing through repetition, climbing thrice the stairs that lead to the bedroom; the suspension that makes us pause on the doorstep weaving floating prohibitions, delaying the key’s turn in its lock. Because intoxication is found on the edge. For other medias, other pulse. I want to devote this blog to “shivers” and the “blissful transition”, offered when desire stumbles forward, thanks to a few collected sentences, a picture, or a simple detail purloined from daily life. It is also an opening. This blog is an opportunity for Edwarda to open in its inner life to a larger array of propositions, should they be dark or enlightened, photographed or painted, in poem or prose, as long as they are exciting. From the paper issue to the blog, the attempt remains the same: reunite in our pages those which desire desire itself. John Jefferson Selve, Dominique Ristori and myself, shall be very happy to receive your suggestions, in order to be each day more touched by her.

Sam Guelimi

Quelquefois, comme Eve naquit d’une côte d’Adam, une femme naissait pendant mon sommeil d’une fausse position de ma cuisse. Formée du plaisir que j’étais sur le point de goûter, je m’imaginais que c’était elle qui me l’offrait. Mon corps qui sentait dans le sien ma propre chaleur voulait s’y rejoindre, je m’éveillais. Le reste des humains m’apparaissait comme bien lointain auprès de cette femme que j’avais quittée il y avait quelques moments à peine; ma joue était chaude encore de son baiser, mon corps courbaturé par le poids de sa taille. Si, comme il arrivait quelquefois, elle avait les traits d’une femme que j’avais connue dans la vie, j’allais me donner tout entier à ce but : la retrouver, comme ceux qui partent en voyage pour voir de leurs yeux une cité désirée et s’imaginent qu’on peut goûter dans une réalité le charme du songe. Peu à peu son souvenir s’évanouissait, j’avais oublié la fille de mon rêve.

Marcel Proust