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Or, un soir d’été de la quatrième année, passant devant le restaurant Hirasei, à Fukagawa, il avisa soudain, dépassant du store en tiges de bambou d’un palanquin arrêté devant la porte, un pied nu de femme d’une blancheur de neige. Pour un oeil aussi pénétrant que le sien, les pieds d’un être humain reflétaient autant que le visage tout un jeu d’expressions complexes ; et le pied de cette femme lui apparut comme un inestimable joyau de chair. La disposition harmonieuse des cinq orteils déployant leur délicat éventail depuis le pouce jusqu’au petit doigt, le rose des ongles qui ne le cédait en rien aux coquillages qu’on ramasse sur les plages d’Enoshima, l’arrondi du talon pareil à celui d une perle, la fraicheur lustrée d’une peau dont on pouvait se demander si une eau vive jaillissant entre les rochers ne venait pas inlassablement la baigner … oui, c’était bien là un pied qui sous peu piétinerait les mâles, et se gorgerait de leur sang vif ; et la femme à qui il appartenait lui paraissait bien être celle entre toutes qu’il s’épuisait à chercher depuis tant d’années. Réprimant l’émotion qui faisait battre son coeur, Seikichi, dans son désir d’apercevoir le visage de cette femme, se lança à la poursuite du palanquin ; mais après deux ou trois cents mètres, il ne le vit plus.

Junichirô Tanizaki