Panier

Votre panier est vide
Visiter la boutique

Qu’est-ce qu’adapter un roman au cinéma ? Lui faire un enfant dans le dos aurait répondu Douglas Sirk. Les femmes ne s’y prennent pas autrement lorsqu’elles veulent ferrer un as qui a la tête dans les étoiles. Ainsi Laverne avec Roger Schumann, ignorant qu’un coup de dé déciderait de son sort. Fin du flashback. Elle ferme ses grands yeux las, allongée sur le divan du journaliste Burke Devlin qui en pince pour les épouses délaissées et le whiskey.

L’action se déroule non loin de la Nouvelle-Orléans, au moment du carnaval : ambiance de fête foraine avec glaces qui rendent difformes les enfants, barbes-à-papas, manèges à hurlements. Mais l’attraction principale ce sont les courses d’avion. Roger porte le masque d’un fou alors qu’il tient la corde et vire à chaque pylône, au risque de briser les ailes des concurrents. Il s’abîmera au fond du lac - ce qu’il en coûte de jouer les volatiles, même pour une dernière fois.

Les héros ou plutôt les créatures qui peuplent le cauchemar américain, ne sont plus tout à fait des humains. Des corps-machines alimentés au kérosène. De la chair cabossée par le spectacle car outre atlantique, cela finit toujours par un show. Le public les adule autant qu’il les méprise, et c’est à leur belle mort qu’il vient assister en nombre. Quant à notre journaliste, il trouve là matière à épopée.

Parfois les existences retombent sagement : la blonde cessera ses acrobaties aériennes, retournera à la terre d’où elle vient, l’Iowa, avec son fils sous le bras. Et le roman que lui tend Devlin sur le tarmac ? Un prétexte pour filmer leurs retrouvailles et des champs de blé à perte de vue, aurait répondu Douglas Sirk, pourvu qu’un fléau vienne tout dévaster.

Dominique Ristori