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Ce serait un bien bel homme, s’il n’était pas laid ; il est grand, bâti en hercule ; mais un teint africain, des yeux vifs, pleins d’esprit à la vérité, mais qui annoncent toujours la susceptibilité, l’inquiétude ou la rancune, lui donnent un peu l’air féroce, plus facile à être mis en colère qu’ en gaité. Il rit peu mais il fait rire ; il a une manière bien à lui de dire les choses, qui tient de l’arlequin balourd et du Figaro, et le rend très plaisant. Il n’y a que les choses qu’il prétend savoir qu’ il ne sait pas : les règles de la danse, de la langue française, du goût , de l’usage du monde et du savoir vivre. (…)
Heureusement qu’il a de l’honneur et de la délicatesse, car avec sa phrase : je l’ai promis à Dieu, ou bien : Dieu le veut, il n y a pas de chose dans le monde qu’ il ne fut capable de faire : il aime, il convoite, et, après avoir eu de tout, il sait se passer de tout.

Charles-Joseph de Ligne

Virgin of the Annunciation  - Antonello da Messina

Antonello de Messine, Annonciation, 1470

Le troisième mystère de l’Annonciation est appelé Colloque angélique, qui comporte cinq conditions louables de la Sainte vierge : 1) Conturbatio/Trouble ; 2) Cogitatio/Réflexion ; 3) Interrogatio/Interrogation ; 4) Humiliatio/Soumission ; 5) Meritatio/Mérite.

Fra Roberto Caraciollo, Prediche vulghare

Les messieurs comme partout appartenaient à deux catégories. Les uns, maigres, parmi lesquels certains tournaient atour des dames, tandis que d’autres se distinguaient à peine des hommes du monde de Pétersbourg ; les mêmes favoris , taillés avec goût, les mêmes visages bien rasés, et la même indifférence auprès des jolies femmes qu’ils faisaient rire cependant en leur parlant français, tout comme à Pétersbourg. Les gros hommes ventrus appartenaient à la seconde catégorie. Ceux-ci dédaignaient ostensiblement les dames et attendaient impatiemment l’heure où le domestique préparerait la table verte pour le whist. C’étaient des visages pleins et ronds ; on voyait ici la marque d’une petite vérole, là une verrue ; de même les cheveux se portaient les uns en toupet, les autres en brosse ou « à la diable m’emporte » comme disent les Français.

(…) En moins de trois ans, le maigre ne possède plus rien qui ne soit hypothéqué, tandis que le ventru, sans se donner de mal, devient vite propriétaire d’une petite maison au bout de la ville, achetée au nom de sa femme, puis encore d’une autre maison à l’autre extrémité du bourg…Bref, petit à petit, le village entier lui appartient. Enfin les ventrus, après avoir servi Dieu et le tsar, jouissant d’une considération générale, quittent le service, déménagent et deviennent propriétaires fonciers ; ce sont alors de beaux seigneurs russes très hospitaliers qui vivent largement. Enfin, pour être fidèles à la vieille tradition russe, les héritiers de ces ventrus deviennent des maigres après avoir gaspillé tout le bien paternel.

Nicolas Gogol

 

Elle accueillait et applaudissait la mort de presque tout. Cela lui tenait compagnie. Cela voulait dire qu’on était pas complètement seul. Une fleur morte, le trouble désobligeant de l’eau morte, qui coulait lentement du vase. Une voiture morte, à moitié dépouillée sur le bas-côté, abattue, démolie, annulée, démontée. Un nuage mort. La Mort du roman. La Mort de l’Animisme, la Mort de la Réalité naïve, la Mort de l’Argument tué par le Design, et (surtout) la Mort du Principe de la Moindre Surprise. La Mort de la Planète. La Mort de Dieu. La mort de l’amour. Cela lui tenait compagnie.

Martin Amis