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Elle -Julia Domna- mêle le sexe à l’esprit, et jamais l’esprit sans le sexe, mais jamais non plus le sexe dépourvu d’esprit. En Syrie, et encore jeune fille, elle couche à droite et à gauche, mais toujours avec des médecins, des politiques, des poètes. Elle se donne à des gens qui sont dans sa ligne à elle, sans s’occuper de leur ligne à eux.

Antonin Artaud

Extrait offert par S.H., un autre

Le matin tombe dans cette rue et je continue la marche dans le bourdonnement. Il va s’agir d’ une ville sans doute. Pour de nombreuses raisons encore confuses, inavouables déjà, peut-être.

Danielle Collobert

Extrait offert par H.C., un lecteur

Et pourtant, pendant des décennies, des adolescents noirs s’étaient levés partout dans le pays pour crier : « Joe Louis ! » Avec ces trois syllabes dans la bouche, pour la première fois, nous n’avions plus honte, nous dressions la tête, nous levions les yeux. Quand la police demandait son nom à un adolescent, il répondait : « Joe Louis! » et un peu de la puissance du champion descendait soudain dans son corps, comme un café brûlant par un matin glacé.

Alban Lefranc

Une oeuvre de Caroline Corbasson

Cardiaque

An 1563

La dissection des cadavres est interdite par l’Eglise, ainsi que la pratique de la médecine par les femmes. Alix dessine des organes humains tels qu’elle les imagine, les pressent. On l’accuse de sorcellerie, d’utiliser « l’œil de Satan » pour scruter l’intérieur du corps humain. Elle est très belle, trop. Cela suffit à la rendre suspecte. On la surprend déguisée en homme, à cueillir des herbes malignes. Les Punisseurs découvrent dans son tablier un petit coeur de lapin séché.  Il n’en faut pas moins, à vingt ans et poussières, pour la condamner à la Question, à la torture, et au bûcher.

An 2013

Caroline, vingt deux ans, forge des mobiles en acier et laiton sur le schéma des veines du cœur, la  couronne du réseau sanguin ; vaisseaux, veinules, aortes. Une planète suspendue aux arcs vacillants. Ce cœur littéral est comme le cœur figuré : solide, tangible, il bat, on  sait qu’il existe. Mais on ne sait jamais de quel côté il va tourner.

Un texte de Georgina Tacou

Seule son imagination avait pris une direction malsaine. Quand les jours de la semaine, l’un après l’autre, avaient pesé de tout leur poids de plomb sur sa vie, ces charmes corrosifs entraient en action. Les souvenirs de ses visites composaient peu à peu une tentation d’une espèce particulière. Il découvrait en Bozena la victime d’une monstrueuse déchéance et dans ses rapports avec elle, les émotions qui leur étaient liées, une sorte de rite cruel qui eût exigé le sacrifice de lui-même. Ce qui le fascinait, c’était l’obligation d’abandonner tout ce qui l’emprisonnait d’ordinaire, ses privilèges, les pensées et les sentiments qu’on lui inoculait, tout ce qui l’étouffait sans rien lui apporter. Ce qui le fascinait, c’était de courir, nu, dépouillé de tout, chercher refuge auprès de cette créature.

Robert Musil