Panier

Votre panier est vide
Visiter la boutique

Quand on va vite, il y a un moment où tout se met à flotter dans cette pirogue de fer où l’on atteint le haut de la lame, le haut de la vague, et où l’on espère retomber du bon côté grâce au courant plus que grâce à son adresse. Le goût de la vitesse n’a rien à voir avec le sport. De même qu’elle rejoint le jeu, le hasard, la vitesse rejoint le bonheur de vivre et, par conséquent, le confus espoir de mourir qui traine toujours dans ledit bonheur de vivre. C’est lá tout ce que je crois vrai, finalement : la vitesse n’est ni un signe, ni une preuve, ni une provocation, ni un défi, mais un élan de bonheur .

Françoise Sagan

Sous son éclat dur, rien ne semblait subsister de ce secret d’elle-même qui avait bouleversé ma vie. Elle était pareille à ces diamants qui ont oublié les millions de siècles passés sous le sol, les boyaux du nègre où ils furent cachés, la main crochue de l’usurier, les vols, les meurtres, les pillages dont ils furent la cause, et qui triomphent sur le front des vainqueurs, avec une scintillante indifférence.

Paul Morand

Dmitri Fiodorovitch, un jeune homme de vingt-huit ans, de taille moyenne, le visage avenant, semblait cependant beaucoup plus vieux que son âge. Il était musculeux, l’on devenait en lui une force physique considérable, et pourtant son visage exprimait comme quelque chose de maladif. Il avait le visage maigre, ses joues s’étaient creusées, son teint avait une nuance d’une sorte de jaune malsain. Ses yeux assez grands et sombres, globuleux, vous regardaient avec, certes, visiblement une grande fixité, mais d’une façon comme indéfinie. Quand il se laissait gagner par l’émotion et parlait d’une voix irritée, c’était comme si son regard se soumettait à son humeur intérieure et exprimait quelque chose d’autre, qui ne correspondait pas du tout, parfois, à l’instant présent. « Il est difficile de savoir à quoi il pense » disaient parfois de lui ceux qui lui parlaient. Certains, qui voyaient dans son regard quelque chose de pensif et de sombre, se trouvaient quelques fois stupéfaits par son rire soudain, un rire qui témoignait des pensées joyeuses et plaisantes qu’il remuait en lui précisément au moment où il vous regardait d’un regard tellement sombre. Du reste, cette espèce d’aspect maladif de son visage à la minute présente pouvait être très compréhensible : tout le monde était au courant et avait entendu parler de cette vie agitée et « noceuse » à laquelle, précisément ces derniers temps, il s’était adonné chez nous….

Les Frères Karamazov, Dostoievski

Dessin de Laurent Anastay-Ponsolle

« Trois, quatre minutes, je m’efforce de dessiner rapidement… Au fusain, au rouge sanguine surtout car on ne peut pas gommer ni se repentir… Rien que des femmes sur papier kraft, en raccourci, comme si les photographiais… Leurs corps tendus, tordus, auréolés ou soulignés d’un extrait de peinture blanche, le jus… Schiele bien sûr, Kirchner qui s’interrompait en plein coït pour rejoindre son chevalet, les expressionnistes en général m’influencent… Leur découverte à la Neue gallery, NYC, un choc. »

Propos recueillis par Dominique Ristori